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Les verbes défectifs rigolos (et un peu d’actu en encart)

  • Olivier 

Connaissez-vous les verbes défectifs ? Il s’agit de ces verbes qui ne disposent pas de conjugaisons à tous les temps et à tous les modes. Dans certains cas, ça s’explique très bien : les verbes concernant la météorologie sont impersonnels par nature. On ne les conjugue qu’à la troisième personne du singulier et p’is c’est tout. D’autres verbes, comme “méfaire” ne s’utilisent qu’à l’infinitif, surtout parce qu’ils ont été oubliés dans toutes les autres formes.

Pour d’autres, on peut se poser des questions et il est facile de leur imaginer des conjugaisons là où il n’y en a pas. Mais si on s’y essaye, on se rend rapidement compte que ça sonne mal. Essayé de trouver le passé simple de “paître” ou “traire” par exemple.

Un soir au musée
Vous vous souvenez peut-être que j’étais censé donner une conférence du soir au Musée des Arts et Métiers en novembre, dans le cadre des rencontres de Sciences pour Tous. Ne vous inquiétez pas, vous n’avez rien raté : la date a été repoussée au 17 janvier 2025. Je vous en reparlerai quand ça se précisera.

Définition de l’adjectif Défectif, dans le dictionnaire de l’Académie Française.

Des verbes défectifs, il y a en une bonne centaine. Je ne vais pas vous en faire la liste, allez plutôt consulter celle du Wiktionnaire. Par contre, en parcourant la liste, vous devriez tomber sur quelques verbes très très rares, et je pense que ça vaut le coup que je vous en présente quelques-uns que j’ai moi-même découverts à cette occasion (avec l’aide du dictionnaire Trésors de la Langue Française en ligne et le dictionnaire de l’Académie Française) :

Apparoir : apparaître de manière évidente. “Il appert que votre entreprise connaît des difficultés”. Le verbe est plus utilisé par les poètes :

Au-dessus d’une ville aux toits comme apaisés,
Aux fenêtres d’où la vie appert, calme et sûre, …
VERLAINE, Œuvres posthumes, t. 1, Varia, 1896, p. 102.

Ester : Intenter une action en justice. Exemple : “Ester en justice”. Ce verbe n’existe qu’à l’infinitif.
À ne pas confondre avec le composé chimique du même nom.

Férir : Vous connaissez tous l’expression “sans coup férir”, mais que veut dire “férir” en fait ? Rater ? Non, il voulait dire “frapper”, comme dans Son œil est clair et son bras prompt à férir (MORÉAS, Pèlerin pass., 1891, p. 49). C’est aussi pour ça qu’on dit aussi “féru de quelque chose” pour “passionné de quelque chose”. Donc “sans coup férir” voulait dire : sans avoir besoin de frapper.

Intrure : d’après la première édition du dictionnaire de l’Académie Française, il s’agit d’un verbe inusité (l’édition date de 1694), qui signifie “qui s’introduit en force”. Il a donné le substantif intrus/intruse qu’on utilise aujourd’hui. La huitième édition du dictionnaire de l’Académie (1935) précise que le verbe n’est plus utilisé qu’au passé simple. Il a disparu de l’édition en vigueur (la neuvième).

Raire : Crier, pour un animal. S’écrivait aussi “réer”. Comme traire, il n’a pas de passé simple.

Tistre ou tystre : synonyme de tisser, mais retiré du dictionnaire de l’Académie de 1935. Il ne s’utilisait qu’au participe passé : Une vie tissue de chagrins et d’infirmités. Une vie tissue de gloire et de malheurs.

Voici, voilà : Oui, ce sont des verbes défectifs, aussi bizarre que ça paraisse. Je vous cite in extenso une explication tirée du Trésor de la Langue Française.

Verbe défectif réduit à la forme unipersonnelle du prés. de l’ind. de l’aspect inaccompli.
Voici [et voilà forment] (…) une sorte de verbe sans variation morphologique verbale, impersonnel, unimodal (indicatif) et unitemporel (présent), qui désigne ce qui est positivement dans le moment même de la parole. À ce titre, il constitue l’élément temporel du prédicat et est donc bien un verbe de l’espèce particulière des verbes qui refusent l’incidence à un support nominal. Cependant, il peut être déchu en discours de cette fonction de prédicat quand il s’agit de faire entrer dans un énoncé une référence temporelle. Il fonctionne alors comme une sorte de préposition (G. MOIGNET ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 7 no 1 1969, p. 201).

Limpide, n’est-ce pas ?

Évidemment, la conjugaison des verbes défectifs, c’est comme le code d’honneur des Pirates. C’est plus une sorte de guide général qu´un véritable règlement. Si vous avez envie d’écrire “cet été, nous avons beaucoup plus” ou que vous décidez que “elle m’absolut” est correct dans un dialogue, c’est vous l’auteur, ne vous gênez surtout pas !

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